Transmettre à ses enfants son amour des livres
Je déroge à mes traditionnelles présentations d’ouvrages pour vous parler aujourd’hui un peu de moi et de cette mission que je me suis modestement attribuée : faire en sorte que mes filles réservent aux livres une place importante (et durable) dans leur vie. Vous vous en doutez, la lecture et moi, c’est une grande histoire. Elle est sans nul doute le point de départ de mon addiction pour l’écriture, mais c’est un autre sujet. En clair, j’aime passionnément les livres. Leur texture, leur odeur, leurs formats. Parcourir les rayons d’une bibliothèque à l’atmosphère feutrée et au parquet ciré ; rester une journée entière à lire plus de six livres (si si c’est possible, dans une autre vie : celle sans enfants, où l’on n’a que soi à penser ! ) ; savourer un bouquin exquis à la terrasse d’un café parisien (dans une autre vie, ça aussi, décidément !) ; partager un fou-rire avec Daddy autour d’un ouvrage ou simplement lire à côté de lui chacun dans sa bulle sont pour moi des kifs absolus. De ces moments simples de la vie qui manquent cruellement quand on ne peut plus les accomplir.
Cette passion, je la dois à ma mère (moi, reproduire tout ce qu’elle m’a donné ? Noooon, je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler). Toute petite, elle m’a lu des livres chaque jour, faisant de ce rituel un instant de tendresse et d’échange. Quand j’ai su lire seule, elle m’a fait découvrir la minuscule bibliothèque de notre ville, que j’ai écumée de long en large. En grandissant, elle a élargi mes horizons en acceptant de faire 65 km tous les quinze jours pour m’emmener dans une grande et vraie bibliothèque. Je la poussais même à faire quelques pas de plus pour accéder à la belle librairie du centre-ville, dont je ne ressortais jamais sans un livre. Aussi loin que je me souvienne, les livres sont les seules choses qu’elle ne m’a jamais refusées quand nous faisions les courses. Elle disait que c’était trop important. Quel cadeau pour la vie, MERCI Maman ♥ Petite fille, mes lectures ont construit mon imaginaire. Adolescente, elles m’ont émue, transportée, bouleversée. Elles ont contribué à construire le cadre de référence dans lequel j’évolue. Aujourd’hui, la lecture est pour moi l’un des meilleurs - si ce n’est le principal - moyens de rire, de s’évader, de rêver, de s’émerveiller mais aussi continuer d’entretenir sa pensée critique. Et puis, quelle formidable palette d’émotions et sentiments on peut expérimenter : la joie, l’empathie, la tristesse, la peur, l’humour, la colère, le dégoût, la surprise, l’amour, la haine, l’excitation, la fascination, le réconfort, l’espoir… (liste non exhaustive !) Un livre est capable de faire naître chez nous des sensations physiques (qui n’a jamais eu des papillons dans le ventre en lisant une sublime histoire d’amour ?!), mais aussi de nous élever en nous amenant à penser plus loin, fascinant non ?
Ce qui est beau dans cette passion, c’est que je la partage avec Daddy. A dire vrai, je n’aurais sûrement pas pu être en couple avec quelqu’un qui n’aime pas lire, on n’aurait forcément pas été sur la même longueur d’ondes au bout d’un moment. Mais quand même, j’ai eu l’immense chance de tomber sur THE books lover, capable d’emprunter 60 documents par semaine (et de les lire !) à la bibliothèque. Bon, au début, on a dû un peu rectifier nos habitudes. J’ai abandonné - en râlant - ma sacro-sainte lecture à la table (Comment ça, ça fait asociale de lire alors que Chéri attend une conversation digne de ce nom ?). Daddy, lui, a limité - en râlant - son temps passé sur le trône en compagnie d’une pile de livres (« Oui Chéri, lire longuement autre part, c’est bien aussi, merci pour la place »). Mais globalement, on est sur le même tempo. A savoir qu’il n’est pas concevable pour nous de nous coucher sans lire (même quelques lignes quand il est très tard, ça fait du bien) ou de rester plus d’une semaine sans nouveaux titres à se mettre sous la dent… enfin l’œil. On partage certaines lectures (notamment les romans policiers), mais on se fait aussi mutuellement découvrir des titres (Moi, lire des BD, qui l’eût cru !). Bon, je n’arrive toujours pas à le convaincre depuis 17 ans que le génie de Balzac dépasse celui de Zola, mais je ne désespère pas.
Aujourd’hui forcément, il nous est naturel de vouloir faire connaître ce bonheur à nos filles. Leur lire des livres, c’est aussi leur donner des clefs pour comprendre le monde, mieux s’exprimer, développer leur écriture…
Alors, comment on s’y prend, au juste, pour les y intéresser ?
- Règle n°1 : Commencer tôt. A trois semaines de vie, chacune de mes filles lisait La Boétie et connaissait Murakami, si, si ! J J’plaisante ! Mais à peine. Car j’ai bien commencé à trois semaines de vie à leur montrer des imagiers. Et tant pis si leurs petits yeux se fermaient sur ce nouveau monde qui s’ouvrait à elles, ça fait partie du trip lecture/câlin/shoot odeur de bébé.
- Règle n°2 : Ne jamais s’arrêter. Depuis ce jour, elles ont chacune droit à une histoire (et même plusieurs, faibles que nous sommes) avant chaque sieste et coucher du soir. Je lisais dernièrement une étude montrant qu’en Grande-Bretagne (et c’est très certainement la même chose en France), les enfants sont seulement 51% à avoir droit à une histoire le soir (https://www.lci.fr/societe/lire-des-histoires-le-soir-a-ses-enfants-pourquoi-vous-ne-devriez-pas-abandonner-ce-rituel-du-coucher-2082411.html). Consternant, non ? Chez nous, c’est un moment privilégié avant de partir au pays des rêves. L’occasion aussi de soulever des questions importantes, de se rassurer, de se câliner… En journée, le mercredi ou le week-end, on initie aussi des temps de calme (survie parentale oblige) où l’on s’assoit avec une pile de livres à dévorer ensemble. Franchement, a-t-on inventé activité plus reposante pour un parent fatigué ? (« Mais Papaaaaaa, pourquoi tu dors d’un œil ? Tu peux m’en lire encore 10 autres, steplaît, stepleaît, steplaîîîîîîîîttttt ???? »). Les livres font partie de leur environnement familier et sont à leur disposition, sous réserve d’en prendre soin. Elles le savent : « Un livre, c’est précieux ! »
- Règle n° 3 : Diversifier les styles. Pour leur montrer l’étendue de la richesse qui s’offre à elles. D’ailleurs, si l’enfant préfère les livres courts, les mangas, les BD, les ouvrages illustrés, les magazines, il ne faut pas l’en priver ! Ce qui compte, c’est que ce soit fun. Et on peut tout à faire lire une BD à un enfant qui ne sait pas encore lire, avec un effort de théâtralisation, ça passe super bien !
- Règle n°4 : Accepter de bonne grâce les rediffusions. Ca fait partie du jeu. Concrètement, oui, nous pouvons lire 50 fois de suite les Léo et Popi ou Jeanne Ashbé. Un bébé lecteur ne saurait être contrarié ! (Toutefois, on peut trèèèèèès discrètement subtiliser l’ouvrage favori puis jouer les ingénus : « Le livre du bébé ? Ah noooon, je ne l’ai pas vu, c’est sûrement Papa/Mamy/Le chien/ La petite souris/Le père Noël qui l’a mal rangé hier ! Oh un super documentaire sur la ferme, ça te dit ? »
- Règle n°5 : Bénir celui qui a inventé le concept de bibliothèque municipale. C’est accessible partout, c’est gratuit, ça évite d’acheter trop soi-même ou de stocker, c’est un lieu où parents comme enfants peuvent se poser, souffler, s’amuser (nous avons la chance d’avoir une médiathèque chez nous, on en ressort rarement sans avoir terminé la sortie par un petit jeu de société, argument infaillible pour leur donner envie d’y retourner !). Que demander de plus ? Ici, c’est passage obligé toutes les semaines et on en fréquente même trois différentes. Des fous, je vous dis !
- Règle n°6 et sûrement la principale : Aimer lire soi-même et le leur montrer. On le sait, les enfants sont dans l’imitation. Nous voir prendre du plaisir à une activité ne peut que les inciter à l’adopter. Si en plus on agrémente la séance de lecture familiale par un bon chocolat au lait ou une petite douceur, c’est carton plein assuré !
Pour le moment, le pari est gagné. La grande comme la petite ne sauraient se passer de ces temps privilégiés, qu’elles réclament à cor et à cri. Elles lisent aussi seules sans souci. Il faut voir la petite sur son pot, pointant consciencieusement son livre du doigt et racontant l’histoire à sa manière : je fonds ! Bien sûr, je ne sais pas encore quelles seront les retombées futures. Je suppose qu’on pourra considérer que cet investissement porte ses fruits si nos filles dépassent les barbantes lectures imposées pour le Bac de français pour aller puiser leur oxygène dans d’autres ouvrages. Je mentirais toutefois si j’affirmais ne pas espérer qu’elles soient de grandes lectrices dans leur vie d’adulte. Mais ce qui compte, c’est qu’elles sachent trouver de l’apaisement dans un livre, quel qu’il soit, quand elles en ressentiront le besoin.
Et vous, aimez-vous lire un peu, beaucoup, passionnément ? Comment le goût de la lecture vous est-il venu ? Quelles sont vos habitudes de lecture avec vos enfants ? Pour vous, c’est important ?
Vous cherchez des livres pour développer chez eux le goût de la lecture ?